Quelques années après les débuts de la stéréophonie haute-fidélité H.v.Karajan enregistra cette messe avec un orchestre composé des meilleurs solistes anglais du moment : le « Philharmonia de Londres » .
Cette version de 1953 est l'une des plus célèbres de cette l'époque. Les hautbois d'amour, la flûte de Morris, le cor de Brain font merveille . Les choeurs sont parfois en difficulté mais la liberté de ton et la sensualité de la direction toute romantique du chef marquent de leur sceau le Bach d'après guerre.
Mais est-ce vraiment du Bach ?..
Découvrez des extraits:
http://www.musicme.com/Herbert-Von-Karajan/albums/Bach-:-Messe-En-Si-Mineur-0747313305322.html
Karajan reprendra cette messe à Vienne, quelques années plus tard, et à Berlin en 1973, avec son célèbre "Agnus dei" chanté par Christa Ludwig avec une gravité et une profondeur insondables .
Ecoutez quelques notes du Kyrie : L'autorité dramatique de la production sonore choeur/orchestre est sidérante, même si les options musicales ne sont pas toujours assumées techniquement (tout au long de l'oeuvre).
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Et puis vint l'an 1968 , ses réflexions , ses révolutions et ses engagements : N.Harnoncourt fut l'un de ces pionniers. Ses interprétations seront autant de relectures et de démonstrations vigoureuses de sa différence :
Une énergie sans faille, Un geste déclamatoire puissant . Une accentuation prononcée. Des chanteurs galvanisés , une maîtrise d'enfants pour les voix aigües. Un orchestre aux timbres rugueux produisant une texture sonore quelque peu rêche, mais d'une matérialité nouvelle et différentiable : "Enfin de vrais instruments anciens!" Se réjouit-on à l'époque ...
Découvrez :
https://www.youtube.com/watch?v=TIlTZ9YJBxk
La reprise par ce grand chef de cette messe, des années plus tard, s'accompagnera du choeur Arnold Schoenberg de Vienne. Elle sera relativement plus sage bien que superbe :
Se produisit ensuite une seconde révolution musicale dans l'art d'interpréter les cantates de Bach tout comme sa messe en si...
J.Rifkin musicologue et chef américain nous proposa , depuis Boston , une réflexion musicologique basée sur de récentes recherches : faire chanter les parties de choeur par les solistes !.. Nouveau , et formidablement intéressant.
Ce fut au départ un chant du bout des lèvres, assorti d'un refus délibéré d'emphase et de pesanteur , apanage de la geste massive des plus grands chefs héritiers du Romantisme : O.Klemperer ou E.Jochum.
Les plus grands « baroqueux » de cette génération lui emboitèrent le pas : A.Parott, K.Jüghanel, Les frères Kuijken, P.mac Creesh.
Un Français , bassoniste de formation , et chef depuis 20 ans des "musiciens du Louvres-Grenoble" réussira dans cette voie .
Cette toute récente version est celle de Marc Minkowski :
Ecoutons les artistes en parler pendant les pauses de l'enregistrement :
https://www.youtube.com/watch?v=GGB4wdhCPsk
C'est une version d''une clarté narrative extrême. Il n'y a plus d'un côté le choeur et de l'autre les solistes , mais une seule "voix". L'éclat de certains choeurs comme l'intensité des prières individuelles y gagnent en relief et en détail.
Cette rupture de ton entre des chœurs parfois recueillis et des airs presque « lyriques », donnent forme à une sorte de théâtralité liturgique. Ce parti pris démonstratif , assorti d' un certain détachement, fonctionne parfaitement. Les voix sont de grande qualité. Les instrumentistes sont, en revanche, assez "neutres".
Fort heureusement, le cor du "Quoniam tu solus sanctus" expose des sons bouchés du plus bel effet , et les bassons et hautbois champêtres confèrent douceur et souplesse au "Et spiritum sanctum".
voici deux extraits de la messe :
Revenons aux chefs historiques du mouvement Baroque !
Gustav Leonhardt, enregistre la messe en si en 1985 avec la "petite bande" (des frères kuijken) et le choeur de la société Bach des Pays-Bas.
Et l'intégralité disponible sur le net :
http://www.deezer.com/fr/#music/gustav-leonhardt/j-s-bach-messe-h-moll-bwv232-116528
Pour leur intégrale des cantates de Bach réalisée en commun, Leonhardt et Harnoncourt s'étaient associés à un chef de choeur qui devait prendre un grand essor : P.Herreweghe.
Dans sa version de 1996 (la première, datant de 1989, étant un échec reconnu), les textures sont encore un peu floues, l'articulation quelque peu avalée.
Un choix de phrasés presque élastiques, associés à une production vocale peu engagée, comme détachée ou « sous-comprimée », ne nuit curieusement pas à la perception de l'ensemble.
Le "fondu" se substitue à la projection, et la pulsation remet tout en place. Surprenant et beau.
Voici deux extrait du Credo
et "Et resurexit" :
http://www.deezer.com/fr/#music/philippe-herreweghe/bach-mass-in-b-minor-308703
Pour l'écouter et le voir diriger le "Et resurexit":
www.youtube.com/watch
Si la version de Ton Koopman est tendre, rythmée, parfois dansante, mais toujours très humaine, elle resterait, au dire des critiques, quelque peu superficielle .
Ce n'est pas tout à fait faux.
Alors se produisit, en 1989, un événement exceptionnel dans l'interprétation de cette messe de Bach : le concert donné par l'ensemble vocal néerlandais et l'orchestre du 18ème siècle dirigé par Franz Brüggen !
Voici l'enregistrement de ce qui fût l'un des concerts majeurs de cette fin de 20ème siècle :
Un grand critique musical parlera de "majesté sauvage" ! Tout est dit.
en écoute sur ce site : http://musique.fnac.com/a331445/Jean-Sebastien-Bach-Messe-BWV-232-CD-album
Dans le second enregistrement réalisé 20 ans plus tard par F. Brüggen, on retrouve bien des qualités du concert , la magie en moins, peut-être...
Des cordes soyeuses et "tendues", un phrasé inimitable :
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Faisons une petite pause avec un artiste à la carrière hors du temps.
Michel Corboz , chef de Choeur et Chef d'orchestre, voua son existence au chant choral .
Il l'a dirigé , cette messe... de la fondation Gulbenkian de Lisbonne aux rives du lac Léman où il s'est désormais installé depuis plusieurs années .
Point de traditionalisme romantique allemand. Pas plus que de corset à la mode des maîtrises anglaises . Encore moins "d'intégrisme baroque", selon l' expression connue...
De tout cela , il se démarque, comme un outsider de luxe, avec un orchestre de chambre sur instruments modernes et un ensemble vocal à l'interprétation intense et tendue par sa direction passionnée .
En 1996, l' ensemble vocal est carrément "chauffé à blanc" avec un orchestre qui semble danser :
http://www.musicme.com/Michel-Corboz/albums/Bach,-Js-:-Mass-In-B-Minor-&-Magnificat-0706301373262.html
et ... dans une version ultérieure , assagie, aux tempi plus élargis...
Il y a une version de cette oeuvre qui vaut par la qualité hors-norme de son choeur : celle de J.E.Gardiner et de son « Monteverdi Choir » accompagné des English baroque soloists.
L'articulation du texte chanté ne vaut peut-être pas celui du choeur de F.Brüggen, mais l'héroïsme technique et la vocalité exceptionnelle de cet ensemble frisent l'exploit.
Du mysticisme le plus profond à la légèreté la plus diaphane, toute la gamme d'expression est là, disponible!
Écoutons deux courts extraits du « Dona nobis » :
Pour conclure j'aborderai deux versions récentes qui entrent par la très grande porte du catalogue.
Le maturité musicologique, l'évolution musicale et technique des ensembles vocaux et instrumentaux ne cessent de s'élever depuis 25 ans ...
La première équipe allemande nous vient de Berlin : Le Rias kammerchor et l'académie für alte musik sous la direction de celui qui fût l'un des des plus intéressants contre-ténors (il préférait alto masculin...) de l'histoire moderne : René Jacobs.
Son goût pour la théâtralité , les contrastes, les pleins et les déliés accentués, le son "filé" des voix ou des cordes est devenu proverbial :
La seconde équipe nous envoie sa lecture du japon .
Depuis 25 ans Massaki Suzuki édifie, pas à pas, son intégrale Bach avec le « collegium japan ». Une somme...
Ses options sont simples à édicter et difficiles à produire : penser "polyphonie" à chaque instant . Les lignes sont étroitement imbriquées les unes aux autres tout au long de chaque pièce comme tout au long de l'oeuvre.
Un tissu sonore d'une texture fascinante, comme dans ces trois extraits du "credo" :
Dans les parties liées, au tempo lent, les chanteurs "s'écoutent" tout particulièrement :